Chaque année dans nos montagnes, à la fin du printemps, les troupeaux rejoignent les estives pour y passer plusieurs semaines d’été : c’est la transhumance. Cette fois, le Mag a tenu à accompagner les brebis de Nelly dans leur périple. C’est parti !
Nelly Gele est éleveuse à Arrayou-Lahitte, petit village situé entre Lourdes et Bagnères. À la fin du mois de mai, elle mène une partie de ses brebis à Liantran, au-dessus d’Estaing, et une autre partie au Montaigu.
Nelly est née à Nantes : « J’ai grandi dans un appartement sans animaux, nous a-t-elle raconté ; depuis toute petite, je rêvais d’avoir une ferme, des chevaux… ». Enfant, elle passait ses vacances dans un gîte, chez un éleveur de brebis : « J’allais chercher du lait avec mon grand-père dans une vieille ferme. Je me souviens d’une dame qui était là, au milieu de ses vaches… Ça m’avait beaucoup plu ». Après ses études, elle a travaillé en tant que technicienne agricole dans les Deux-Sèvres, puis à Pau, avant de louer une ferme en Bigorre en 2013 : « Mon mari avait déjà une ferme avec 200 brebis et 30 vaches, et j’ai amené 100 brebis et 10 vaches supplémentaires. Aujourd’hui, nous avons 400 brebis et une cinquantaine de vaches ».
L’hiver, les brebis sont au chaud dans la bergerie, tranquilles. Lorsque vient le printemps, Nelly les lâche dans les prés, aux alentours de l’exploitation. À partir de mai/juin, elles ont grignoté toute l’herbe à leur disposition, il faut les changer d’endroit : direction la montagne. Ainsi, les brebis ont à nouveau de l’herbe fraîche à paître, et Nelly peut utiliser ses prés pour faire du foin afin d’avoir de quoi nourrir les animaux durant l’hiver. La transhumance est le déplacement des brebis de la ferme jusqu’aux pâturages d’été, aussi appelés « estives ».
À partir de juin, les brebis sont donc prêtes à partir en montagne : « On les emmène en camion au lac d’Estaing, puis il nous faut environ 4 heures pour rejoindre les estives à Liantran ». On trouve là-bas les ruines de petites maisons en pierre qui appartenaient aux bergers : dans le temps, ils vivaient là tout l’été pour surveiller les troupeaux. Lorsqu’elles sont dans les estives, les brebis sont aux anges : lever 5h du mat’, activité broutage jusqu’à 9h, méga-sieste jusqu’à 17h, puis rebroutage. Puis re-sieste. La belle vie ! « Elles sont heureuses là-haut, explique Nelly, elles font leur vie. J’y vais régulièrement pour les soigner, leur amener du sel… S’il n’y avait pas les risques liés au loup et à l’ours, une visite par semaine suffirait ». Quand vont-elles revenir à la bergerie ? « Cela dépend du moment où elles agnellent (NDLR “Agneler” signifie mettre bas). Pour ma part, je les descends à partir du mois d’août ». Les brebis font leurs petits en bas, à la ferme, puis restent avec eux le premier mois. Ensuite, les mères sont lâchées dans les prés où l’herbe a eu le temps de repousser, pendant que les petits restent dans la bergerie à attendre leur retour.
« Au départ, je montais toutes les brebis à Estaing, raconte Nelly, mais vu leur nombre et le relief accidenté de cette partie de montagne, elles se dispersaient et l’ours les attaquait. J’en ai donc mis moins là-bas, et j’ai trouvé un deuxième coin, au Montaigu, où mener les autres. Sauf que maintenant… il y a le loup ». L’an dernier, plusieurs attaques ont eu lieu sur le secteur du Hautacam ; à l’heure où nous écrivons ces lignes, le loup n’a pas encore montré le bout de son museau, mais cela ne saurait tarder. L’ours, lui, mange en moyenne 6 ou 7 brebis du troupeau de Nelly par an. « Dès qu’il y a de l’orage, elles vont se mettre à l’abri dans un bois, et l’ours les y attend. Voilà pourquoi je monte dès que le tonnerre gronde ». Dans le temps, les bergers restaient tout l’été en montagne avec les brebis, et les patous protégeaient le troupeau contre les attaques. « Aujourd’hui nous sommes seuls sur les exploitations pour tout faire, explique Nelly. Nous ne pouvons pas y rester tout l’été, ou il faudrait confier son patrimoine à un salarié, ou un berger, qu’il faudrait remplacer pendant ses congés ou ses arrêts de travail, ce qui est trop compliqué ».
Nelly exerce également le métier de sélectionneur, qui consiste à sélectionner, pour une race choisie, les bêtes qui ont les meilleures caractéristiques. Elle dispose du Label Rouge et de l’IGP Agneau des Pyrénées, ce qui lui impose un cahier des charges très strict au niveau de l’alimentation, des lieux de vie, etc., afin de produire une viande d’excellente qualité. Sur un troupeau de 400 brebis, Nelly a 70 Barégeoises et 330 Tarasconnaises. Le but : faire en sorte que chaque brebis agnelle une fois par an. Sur 400 nouveau-nés, Nelly en garde une bonne soixantaine qui deviendront brebis dans son propre troupeau, une trentaine de femelles rejoignent d’autres troupeaux, environ 20 mâles deviendront des béliers reproducteurs, et le reste des agneaux est destiné à la consommation. « C’est un beau métier, assure Nelly, si tu t’occupes correctement des brebis, elles te le rendent bien et te font de beaux agneaux ». Autre avantage que le Mag a pu constater : les brebis sont vachement sympas, et leur conversation peut parfois s’avérer beaucoup plus divertissante que celle de nombreux humains. Bêêêêh !
Le travail des chiens est un élément central du pastoralisme. Nelly a cinq borders collies, réputés plus faciles à dresser que les labrits : « Tous les 5 ans, il faut renouveler les chiens, nous a-t-elle expliqué, ils s’usent très vite ». Nelly dresse elle-même ses chiens : « Ils te font confiance, tu travailles avec eux. Au début, tu leur apprends les ordres de base, la droite et la gauche ; ils ont l’instinct de rabattre les bêtes vers toi, car tu es le dominant : il faut juste les canaliser et leur apprendre à le faire quand tu le décides, et dans le calme. À 5 ans, ils doivent être au point. Ils savent se positionner, faire des recherches pour ramener les brebis qui s’éloignent, ils savent pousser… C’est comme une télécommande ! »