Depuis plusieurs années, le graffeur Enzo multiplie les fresques de qualité sur les murs
du département. Qui est-il ? D’où vient-il ? Et surtout : où va-t-il ? Le Mag vous dit tout !
Baskets rouges aux pieds et casquette vissée sur la tête, Enzo débarque à notre rendez-vous avec sourire et bonne humeur. Pendant plus de deux heures, nous avons eu la chance d’échanger avec ce jeune artiste de 30 ans au CV déjà bien rempli. Reportage !
Enzo est né à Tarbes, où il a grandi avec la passion du dessin. Dans les années 2000, il est à fond dans le basket, le rap, la culture US, et c’est tout naturellement qu’il s’essaye au graff : « J’ai touché mes premières bombes vers 12 ans, se rappelle-t-il, j’allais m’entraîner sous le pont Saint-Frai ». Après le Bac, il s’inscrit dans une école de Design graphique et communication visuelle à Toulouse, où il obtient un master en Direction artistique (spécialité pub). Durant cette période très formatrice, il acquiert des connaissances et des techniques qu’il retranscrit dans le graff, pratiqué en loisir. Après être sorti major en créativité de sa promo, il a travaillé dans une grosse agence de pub : encore une fois, cette expérience lui a permis d’assimiler des codes visuels et des procédés graphiques transposables dans le graffiti. Le monde de la pub, bridé par une autocensure omniprésente, ne lui correspond pas : il rentre à Tarbes pour bosser dans le restaurant familial. Parallèlement, il continue de graffer pour le plaisir, enrichi des techniques apprises lors de ses études : « J’apprenais seul, je m’entraînais sous les ponts, dans les endroits abandonnés, j’essayais beaucoup de styles différents ».
Et voilà qu’un jour, la propriétaire d’un salon de coiffure tarbais remarque ses fresques et lui demande de décorer son lieu de travail, situé au Bout du Pont : « C’était ma première commande. Suite à ça, des clients du salon m’ont appelé pour me demander de faire un graff chez eux, puis le bouche-à-oreille a fonctionné ». Enzo enchaîne les chantiers ; au bout d’un an de travail, il a gagné suffisamment d’argent pour se payer un voyage de trois mois à New York : « Je suis parti seul. Sur place, j’ai fait six toiles, que j’ai réussi à exposer dans une galerie ». S’ensuivent des rencontres, des expériences, et quelques anecdotes : « Je me suis retrouvé en plein Harlem avec mes toiles sous le bras, dont un portrait de Martin Luther King : là, des mecs du ghetto m’ont arrêté pour me féliciter et me dire qu’ils voulaient l’acheter… T’imagines ? (rires) C’est un des trucs les plus beaux que j’ai pu vivre ».
Lorsqu’il rentre à Tarbes, Enzo est chauffé à blanc. Il a la ferme intention de repartir au plus vite dans la Grosse Pomme. Mais rien ne se passe comme prévu : il reste ici et entame une traversée du désert durant laquelle sa carrière ne parvient pas à décoller. Et puis un jour… « Didier Yedra, le patron de Sogep et de SBTP (entreprises de travaux publics, NDLR), m’a appelé pour me demander de peindre des cabanes de chantier, avec des thèmes du patrimoine local : un animal du coin, un endroit connu, etc. On les voyait partout, ça a fait le buzz, et c’est ça qui m’a vraiment lancé ». Aujourd’hui, cela fait 6 ans qu’Enzo est à son compte. Il travaille avec des particuliers, des entreprises, des mairies, des écoles, etc., et son art est de plus en plus présent sur les murs du département : « Mon téléphone sonne tout le temps, c’est trop le feu ! (rires) »
À présent, Enzo est inarrêtable et les projets s’enchaînent : « Récemment, j’ai été contacté par Redbull France pour faire des démos de “Doodle” (un style de graff, NDLR) sur les campus de Pau, Toulouse et Bordeaux, puis ils m’ont demandé de faire partie du jury pour la finale nationale Redbull Doodle Art à Paris… La “fast life” ! (rires) ». Côté inspiration ? « L’hyperréalisme, les cartoons, la pop culture, et des artistes comme Tristan Eaton, PichiAvo, Studio Giftig, Fafi, Miss Van, Tilt, Bezy… » Enzo est parvenu à concilier sa passion avec les attentes des Bigourdans : « Le street art est un art populaire : les gens ont besoin qu’on raconte leur histoire, c’est très important ». Exemple : le château d’eau de La Mongie, sur lequel il a peint une énorme fresque représentant un berger portant une brebis, avec un patou à ses côtés. « J’aime raconter la vie des gens d’ici. Pour savoir où l’on va, il faut savoir qui l’on est et d’où l’on vient ». Justement : où allez-vous, Enzo ? « Mmh… Je vais mettre Tarbes sur la carte du monde du street art ». Ah bon ? « Ah oui ! » (rires)
« Mon père me disait : “Mieux vaut un pays où les pierres te connaissent plutôt qu’un pays où les gens te connaissent”. Je ne comprenais pas, j’étais focus sur les US, le rap, la “fame”, le graff… Puis j’ai trouvé une place par rapport à tout ça, en mettant la vie locale en avant, en peignant des choses auxquelles les gens d’ici peuvent s’identifier. C’est là que la citation de mon père a pris tout son sens. Je suis d’ici, les pierres m’ont vu grandir ; je me sers de ce que je sais faire pour mettre en avant les Bigourdans et la scène locale ». Enzo a réussi à allier le street art avec le quotidien des habitants du département, et c’est ce qui fait que le public se retrouve à travers ses fresques. « L’environnement ne trahit jamais. Les racines, c’est pour la vie ».
Aujourd’hui, Enzo croque la vie à pleines dents : « Ma passion me fait vivre et voyager, c’est génial, et j’ai la chance d’être très bien entouré. Ma mère, mon frère, ma copine et mes beaux-parents m’ont toujours soutenu et poussé vers le haut ». Un dernier mot, Enzo ? « Il faut croire en ses rêves. Si ça ne marche pas aujourd’hui, donne-toi les moyens pour que ça aille mieux demain. Il faut faire du mieux qu’on peut, tout simplement ». Merci, Enzo !
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