Vous pensiez peut-être que les poètes appartenaient à une espèce en voie de disparition ? Vous les croyiez condamnés aux toiles d’araignées et à la poussière des vieilles bibliothèques oubliées ? Que nenni : ils se portent merveilleusement bien, croyez-nous, et la Bigorre en abrite même de sacrés spécimens… L’un des plus prolifiques d’entre eux s’appelle Pierre Melendez : il a déjà quinze ouvrages à son actif, et ne compte pas en rester là. Il pratique une poésie brute, taillant ses vers dans le bois de la réalité qu’il sublime avec l’encre brumeuse de la hache de sa vision lyrique qui… Aïe : voilà qu’à son contact, nous nous essayons, nous aussi – et sans succès… –, à la poésie. Serait-ce contagieux ?
Pierre Melendez vit et travaille au beau milieu des livres : il est écrivain, poète et romancier, mais également documentaliste au lycée Jean Monnet, à Vic-en-Bigorre. Il est né en Ariège, a grandi dans le Tarn, et a pas mal bourlingué avant d’atterrir en Bigorre, pays de son épouse Nathalie qu’il a rencontrée en Guyane. À présent, ils vivent à Artagnan avec leurs deux enfants, Jeanne et Mathis. Pierre, très loin du cliché du poète rêveur, torturé et contemplatif, est très actif : parallèlement à son activité d’écrivain, il s’implique beaucoup dans la vie de sa commune. Il participe à l’organisation de concerts, à la mise en place d’armoires à livres en libre-service, à la création d’un club de lecture… « Je suis au conseil municipal, je suis aussi président de l’association culturelle… J’aime m’investir, participer », nous dit-il. Et quand il lui reste un peu de temps, il s’échappe à la montagne pour chausser les skis, faire une randonnée ou marcher dans la neige… Infatigable poète !
Le virus de l’écriture lui est venu très tôt et ne l’a jamais quitté depuis : « J’ai commencé par écrire des paroles et chanter dans des groupes de rock vers 15 ans, mais je n’étais pas un bon chanteur », nous confie-t-il. Il a fait des études d’histoire, et c’est une drôle d’anecdote qui scella son destin : alors qu’il préparait sa thèse depuis plus de trois ans, il est allé un jour, avec sa fameuse thèse sous le bras, boire un coup dans un bar pour souffler un peu entre deux séances de travail. Et devinez quoi ? Quelqu’un lui a volé son énorme tas de papiers sur lequel il bossait depuis tant de temps ! Envolée, la thèse ! « J’ai pris ça comme un acte manqué », se souvient-il, philosophe. Finalement, il sera documentaliste. Entouré de livres, il se sent comme un poisson dans l’eau qui se laisserait emporter par les vagues, aux grés des zéphyrs de l’inspiration transcendantale qui traverse l’âme du poète tel un sabre de lumière qui… Zut, triple zut : ça nous reprend !
Dans la bibliographie du poète, un ouvrage a particulièrement attiré notre attention : Les chemins de l’exil, paru en 2021 chez Arcane 17. Pierre y retrace, en vers, la Retirada de 1939 qu’a vécu sa famille : « Après la guerre civile espagnole, les Républicains ont été chassés par le franquisme ; ils ont traversé les Pyrénées et ont été mis dans des centres un peu partout, à Argelès, à Gurs, et mes grands-parents faisaient partie de ce convoi. Puis ils ont construit leur famille, sont devenus 100 % Français… Mon père est même devenu instit’ ». Cet exil, Pierre le raconte en poèmes, dévoilant derrière les mots une grande sensibilité et une volonté de transmettre, par son témoignage, cet épisode de l’histoire qui s’est déroulé en partie sur les terres de la Bigorre. Quand au dernier opus du poète, Les maisons du dimanche, c’est une « éphéméride poesthétique », comme le précise le sous-titre ; c’est comme une friandise de mots, très agréable et facile à lire : « Ça se lit un peu tous les jours ; j’avais plein de petits fragments poétiques, et je les ai assemblés de manière à en faire un calendrier ». Ne lui dites rien, mais nous n’avons pas suivi ses conseils : nous avons dévoré l’ouvrage d’un coup d’un seul… Et nous ne saurions que trop vous recommander, lecteurs, de vous plonger dans la poésie de Pierre Melendez, un peu comme si vous plongiez tête la première, depuis la falaise de la fatalité, dans l’immensité d’un océan nébuleux afin d’immerger votre âme dans les tréfonds opaques du… Zut, doublezut, superzut ! Ça nous reprend encore ! Cette fois c’est sûr : Pierre nous a refilé son virus poétique !
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