Pierre Domengès : 30 ans de Gespe !

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Cette fois, ça y est, ça repart : les concerts reprennent, les programmations redémarrent, les salles de spectacle peuvent à nouveau accueillir du public et les restrictions se lèvent les unes après les autres. À Tarbes, La Gespe a rouvert ses portes au public vendredi 18 février à l’occasion du concert d’EZ3kiel, et la rédac’ y était, bien sûr. Savez-vous d’ailleurs que nous fêtons cette année les 30 ans du centre culturel ? On a sauté sur l’occasion pour aller trouver Pierre Domengès, le taulier des lieux, et lui demander de répondre à nos questions.

Autant vous prévenir tout de suite : on a évoqué beaucoup de sujets avec Pierre, et une fois arrivés à la fin de l’entretien, on s’est rendu compte qu’on avait à peine abordé le sujet des 30 ans de la salle, et qu’on avait complètement oublié de parler des retentissements du Covid sur la culture bigourdane… Parce que figurez-vous qu’en plus d’être le directeur artistique de La Gespe, Pierre est aussi écrivain – il écrit des textes, des chansons, des romans, des nouvelles… – il est musicien, il chante, il a monté une école de cirque, une école de musique solidaire ; il a ouvert un resto-café-concert à Tarbes, s’est engagé en politique, a participé à des campagnes… Donc forcément, ça en fait, des choses à raconter. À vrai dire, on n’aurait pas assez d’un numéro entier du Mag pour tout vous résumer.

Parcours

Pierre Domengès a grandi en Bigorre : « Je suis né à Tarbes dans un quartier ouvrier, un quartier mixte où le militantisme était très présent. Comme tous les gamins à cette époque-là, je me suis engagé au lycée dans les actions, les grèves scolaires… et puis il y a eu le rock », nous raconte-t-il. À la fin des années 70, il prend de plein fouet la révolution punk : « Pour moi c’était une action musicale, culturelle et politique. C’est ça qui m’a fait m’engager dans la musique ». Quelques années plus tard, on le retrouve à Barcelone pendant la Movida¸ cette révolution culturelle espagnole qui a accompagné la chute du franquisme au début des années 80 ; le mouvement musical y était lourd de signification. En France, la musique avait également une dimension sociale : « Le punk rock, c’était aussi la lutte prolétaire, ça impliquait les ouvriers, les usines… Fumel, c’était une expérience magnifique : les ouvriers ont récupéré l’usine en virant les patrons, et il y avait tout le mouvement rock autour. C’était des actions militantes : le premier festival Rock Against Racisme en France a eu lieu à Fumel, à l’usine. »

Punk Rock

Quand on entend Pierre parler de liens entre musique et lutte sociale, on ne peut s’empêcher de lui demander : et aujourd’hui, alors ? « On est plus sur l’emballage que sur le contenu. Aujourd’hui tu vois des mecs qui arrivent avec des fiches techniques de dix pages… T’arrives sur scène, t’as des lumières partout, t’as tout, mais le groupe, tu le cherches. Derrière, y a rien. On a perdu la proximité. On a aussi une génération musicale un peu bourgeoise, un peu aisée, où les mecs ne vivent pas grand-chose… Les seuls problèmes qu’ils ont dans la vie, c’est quand on leur change la date des soldes, ou quand le petit copain ou la petite copine s’est barré. T’as plus de discours politique. Le punk représentait une époque où il y avait la classe ouvrière, où les mecs dans les bahuts étaient impliqués politiquement. Je me rappelle quand on distribuait les tracts à la sortie de Marie Curie, t’avais les gauchistes d’un côté, les cocos de l’autre, t’avais les fachos… Aujourd’hui, ça, c’est fini ». Au Mag, cette relation qu’entretient la musique avec la réalité de son époque nous passionne, et on aurait parlé du sujet encore des heures avec Pierre. Mais le temps passe, il nous reste à peine un chapitre, et on n’a pas encore abordé les 30 ans de La Gespe !

La Gespe

Construite en 1961, La Gespe était un centre culturel très classique, une salle assise dans laquelle se déroulaient principalement des pièces de théâtre. À la fin des années 80, la salle est inutilisée depuis un moment déjà et tombe en décrépitude. Pierre Domengès, qui sortait d’un remplacement d’un an à la MDA où il avait organisé plusieurs concerts, monte un projet et va le présenter au maire : « Je lui ai dit que ça serait bien de faire un truc dans le quartier, une école de cirque par exemple, et des salles de répétition pour les groupes d’ici ; et il m’a dit oui ». C’est là que Pierre crée l’école de cirque (actuellement école Passing) : « J’avais réussi à faire parrainer l’école par Howard Butten, un clown américain, une sommité mondiale », se souvient-il. Reste le problème des salles de répétition : « Les groupes avaient besoin de lieux pour répéter, il y avait 80 ou 90 groupes dans le coin à l’époque, c’était énorme ». Nouveau projet, suivi par la DRAC : La Gespe se consacre cette fois uniquement aux activités musicales et obtient le label SMAC – Scène de Musiques Actuelles – en 2000. Concerts, répétitions, activités culturelles… Au début, l’affaire était loin d’être rentable, car il fallait louer le matériel de sonorisation à chaque concert : « Et là, en 2001, la mairie nous a soutenu : elle nous a aidé à acheter du matos, et après c’était parti. Voilà comment ça s’est passé ».

À n’en pas douter, la musique est le reflet d’une société, et cette discussion avec Pierre Domengès nous a rappelé à quel point réalité sociale et vie culturelle peuvent se nourrir mutuellement. C’est un sujet passionnant, qui nous fait entrevoir les musiques actuelles sous un autre angle, avec assurément plus de recul que nous en… Mais aïe ! On n’a plus de place ! Et on n’a même pas parlé des 30 ans de La Gespe, alors qu’on était venu pour ça ! Tant pis : on reviendra.

www.pierredomenges.fr