À l’occasion de l’exposition tarbaise « Ukraine, elles ont choisi de vivre », le Mag a absolument tenu à discuter avec l’artiste Pedro Bergé afin qu’il nous raconte son récent voyage en terres ukrainiennes.
Pierre « Pedro » Bergé est prof d’histoire ; il est né et a grandi à Tarbes. Le Mag l’avait rencontré l’an dernier, à quelques jours de son premier voyage en Ukraine : il avait pris le pari fou de s’y rendre pour accrocher ses dessins au cœur des ruines.
À Tchernihiv, au nord de l’Ukraine, Pedro avait noué des liens très forts avec la population locale. Il a décidé d’y retourner six mois plus tard, en février dernier. Pourquoi être reparti si près des combats ? « Par loyauté. J’avais promis aux gens de Tchernihiv de revenir ». Ce deuxième voyage a été très différent : « La première fois, c’était en été, la météo était clémente et la situation militaire acceptable. Cette fois c’était l’hiver, les gens étaient affamés et le climat militaire était très tendu ». Pedro est parti avec un ami prénommé Jean : « Quand il a appris que j’y retournais, il n’a pas voulu me laisser partir seul. Ma mère l’appelle “l’ange gardien” ».
Sur place, Pedro a retrouvé les personnes rencontrées lors de son premier périple. Entre-temps, la ville avait subi de nombreux bombardements : « Je les retrouvais en survivants », nous a-t-il dit. Pendant quinze jours, il a exposé ses œuvres au milieu des ruines, dans les cimetières militaires, les bibliothèques, les musées… Il a fait don de plus d’une centaine de dessins et de plusieurs dizaines de recueils de ses propres poésies traduites en alphabet cyrillique ; les habitants de Tchernihiv se chargeront de les vendre au profit des orphelins de guerre. Parmi ces dessins, certains ont été prélevés par les Ukrainiens pour être conservés en tant que documents historiques.
Pedro, quel épisode vous a le plus marqué, lors de ce deuxième voyage ? « C’était lorsque des femmes endeuillées m’ont sollicité pour organiser un atelier de dessin. Il y avait énormément d’émotion. À la fin, elles m’ont demandé de chanter, et j’ai chanté Se Canto. Il y a eu un grand silence, puis elles ont chanté à leur tour pour me remercier ». Les dessins de Pedro ont permis de recueillir des témoignages de guerre ; ses actions ont été relayées par les médias ukrainiens, et il a même été invité à participer à une mondovision sur les crimes de guerre. Cet activisme artistique lui a valu d’être ciblé par les Russes, et ses réseaux sociaux ont notamment été tous piratés. « C’est une tarte à la crème de le dire, mais la guerre est une chienne. Depuis que je suis rentré, je suis en colère contre la paix. Grâce à ce projet réalisé avec Jean, je marche la tête haute ». Un dernier mot, Pedro ? « Merci à ma famille de m’avoir laissé partir… »
Exposition : OT et mairie de Tarbes jusqu’au 11 mai
Facebook : Pierre Pedro Bergé