Pierre Angot : L’âme de la lame !

À Argelès-Gazost, un jeune artisan fabrique des couteaux personnalisés dans son atelier, perpétuant ainsi la tradition ancestrale des bergers pyrénéens qui avaient tous un couteau « capucin » dans la poche. Rencontre avec Pierre Angot.

Fin avril. Nous sommes au restaurant pour un dîner entre amis. Lorsque le plat arrive, l’un de nous sort un magnifique couteau : le manche, décoré d’un mandala sculpté, est orné d’une pierre précieuse, et la chaîne des Pyrénées est élégamment gravée sur la lame. Mais d’où vient cet objet singulier ? Enquête du Mag !

Présentations

Pierre a 37 ans. Il est né dans le Bassin d’Arcachon avant d’arriver dans les Pyrénées à 14 ans, à Barèges. Passionné par le dessin et le snowboard, il a fait un passage par les Beaux-Arts, puis a travaillé pour le snowpark de Cauterets ; en parallèle, il peint, fait des expos, se met au tatouage… « Puis j’ai rencontré ma compagne, nous a-t-il raconté ; on a habité en yourte pendant 10 ans, on a eu des enfants, et quand mon beau-père est décédé, ma belle-mère m’a remis une petite boîte… »

La boîte magique

Cette boîte contenait des lames et des bouts de bois : « C’était la boîte avec laquelle mon beau-père fabriquait des couteaux capucins, le soir dans son canapé ». Intrigué, Pierre s’y essaye, en prenant exemple sur les modèles façonnés par le père de sa compagne : un axe correspond à la lame, une tige à l’arrière sert de butée… en avant ! « J’ai fait mon premier couteau, ça m’a bien plu, alors j’ai continué : j’en ai fait deux, trois… Très vite, des amis m’en ont demandé, et ça a commencé comme ça ». Le travail de Pierre se fait connaître via le bouche-à-oreille, et les commandes affluent : « J’ai vu que ça fonctionnait, et je me suis lancé. Je prends beaucoup de plaisir à créer des objets à la fois utiles et artistiques, et je trouve génial de reprendre le flambeau de mon beau-père, qui fabriquait des couteaux pour lui, sans ne m’avoir jamais montré comment il faisait ».

Couteaux de berger

Ces couteaux sont dits « capucins » : « C’est un couteau à friction, c’est le couteau typique des bergers. Tous les anciens en avaient un ; ils le fabriquaient eux-mêmes, souvent avec du buis qui est un bois très dense, très solide, et que l’on trouve partout dans nos montagnes ». Pierre travaille le buis, mais également le noyer, le poirier, l’olivier, le lys, le genévrier… « J’ai une vingtaine d’essences de bois. Je me suis formé seul, j’ai beaucoup appris sur l’acier, le bois… Le couteau a été une révélation : j’y ai trouvé le bon compromis entre l’artistique, où je garde le côté dessin, gravure, sculpture, et la fabrication d’un objet utile au quotidien ».

Unique et sur mesure

Comment se fait la personnalisation de la lame ? « Je reçois les lames brutes, je les ponce, les polie, les affûte, je fais le “guillochage” (décoration sur le dessus de la lame, NDLR), puis les personnalise en fonction des demandes : certains souhaitent un sommet de montagne, d’autres un portrait d’animal, une scène de chasse, une truite, un cèpe… » Et pour le manche ? « On peut faire encore plus de choses : je peux le sculpter, lui donner une forme, associer plusieurs bois, ajouter des pierres précieuses ou semi-précieuses… » Certains clients savent exactement ce qu’ils veulent, d’autres non ; dans ce cas, Pierre les guide, les conseille, et les aide à choisir en leur présentant les modèles déjà réalisés. Question : si nous voulons un couteau orné d’un chat qui jongle en faisant du skateboard sur la Lune, est-ce possible ? « Mmh… Oui ! (rires) J’aime bien les projets un peu farfelus et originaux, ce sont des défis dans lesquels je peux exprimer ma créativité ». Ces couteaux sont uniques et fabriqués à la demande : vous ne les trouverez dans aucun point de vente. Comment contacter Pierre ? Via sa page Facebook : c’est sur ce réseau social qu’il a fait connaître ses créations, et c’est là qu’il communique avec ses clients. « Les gens peuvent aussi venir me voir à l’atelier, c’est toujours sympa de se rencontrer pour échanger : on choisit ensemble le morceau de bois, on voit ce qu’il est possible de faire… »

Classe & usuel

À quelles utilisations sont destinés de tels couteaux, à la fois beaux et fonctionnels ? Ce n’est évidemment pas le genre de lame dont on se sert pour bricoler, pour couper un morceau de tuyau ou un bout de plastique… Certains modèles ressemblent presque à des bijoux, avec par exemple des pierres incrustées dans le manche : on les sort de temps en temps, lors d’un bon repas, pour une occasion particulière, au restaurant… « Je fais aussi des modèles qui peuvent être utilisés tous les jours, pour le repas ou le casse-croûte », précise Pierre. Quels sont les types de motifs demandés, en général ? « C’est très varié, ça peut être un paysage, une scène de chasse, un poisson, une croix occitane, un manche en forme de morille… C’est très souvent associé à la montagne. Je fais beaucoup de couteaux pour les bergers, les vachers, les montagnards… »

De buis et de bois

Côté inspiration, de quoi se nourrit Pierre ? « J’écoute beaucoup de musique, je fais beaucoup de sport en montagne, je viens d’ailleurs d’acheter un vélo pour aller crapahuter dans la vallée, c’est un bon moyen de me ressourcer. En ce moment, je travaille aussi sur des illustrations pour un roman qui sera édité ». Amis lecteurs, sachez que Pierre est accessible et très sympathique ; en ce qui nous concerne, nous réfléchissons en ce moment même à la commande que nous allons lui passer : il nous faut une lame avec le Pic du Midi gravé dessus, et des fleurs d’inspiration art nouveau sculptées sur le manche, c’est décidé ! Nous le sortirons pour découper par exemple un tendrissime filet mignon de porc noir de Bigorre, et nous serons les plus heureux du monde. Dernière chose : nous allions presque oublier de vous préciser le nom des couteaux de Pierre : « De buis et de bois » !

Facebook : pierre.angot.982