Le débat sur l’écriture inclusive ne refroidit pas. Qu’un manuel scolaire lui ouvre ses lignes, et voici que le feu s’étend jusqu’à l’Assemblée nationale, au sien de laquelle les députés s’écharperont pour savoir s’il s’agit d’une barbarie sans nom commise à l’endroit de la langue, ou, qu’au contraire, l’on assiste là à sa naturelle évolution… Ne serait-ce pas un peu les deux ? Il ne viendrait à personne aujourd’hui l’idée de dire « Madame le Président » plutôt que « Madame la Présidente », et pourtant, jusqu’en 2019, l’Académie Française considérait toujours que le second usage était fautif. Et cette féminisation du titre de « président » relève elle aussi de ce que l’on nomme « l’écriture inclusive ». Sénatrice, même combat, ingénieure, idem, et ces mots ne choquent personne. Mais voilà que surgissent autrice, pompière, lieutenante, et l’oreille et l’œil s’en trouvent heurtés. L’usage, sans doute, tranchera. La question des points médians (Tou·te·s), c’est encore un autre problème. L’accusation de complexification de la langue, et de sa moins grande lisibilité, n’est pas infondée. Pour quelqu’un qui lit déjà « fluently », comme disent les Anglais, elle est surmontable : mais qu’en est-il d’un enfant qui n’en est qu’au stade du déchiffrage ? L’écriture inclusive, ça peut être utile. Dans nos colonnes, quand nous écrivons en adresse directe, il est certain qu’il est plus élégant de dire « vous vous sentez seul·e ? » que « vous vous sentez seul ou seule ? ». Et comme nous n’écrivons pas que pour des lecteurs hommes, l’on aime, de temps à autres, à faire des clins d’œil à nos lectrices… On entend mal par contre les appels militants pour une écriture intégralement inclusive. L’utiliser à dose homéopathique, d’accord : l’utiliser contre les usages du plus grand nombre, pas d’accord. Ce sont les Français qui forgent leur langue : qu’on ne leur impose pas, donc, un usage dont ils ne sauront que faire. L’égalité hommes-femmes s’inscrit aujourd’hui progressivement dans les mœurs : il n’y a pas de raison que la langue, qui sert à faire état de ces mœurs, ne change plus vite que celles-ci. Point final au débat ? Bien sûr que non : point médian, seulement…