Michell G est créateur de mode. Depuis son atelier-boutique situé à Tarbes, il confectionne des pièces uniques avec un style bien particulier. Rencontre avec un artiste pas comme les autres.
À l’approche de l’automne, nous avons eu envie de renouveler notre garde-robe. Depuis plusieurs années, nous connaissions le travail et les créations de Michell G, mais nous ne l’avions jamais rencontré : voici le moment de pousser la porte de sa boutique.
Michell est né à Paris. Dès son enfance, il a beaucoup voyagé : il a vécu en Afrique, est revenu à Paris, a fait son service militaire à Tarbes, puis a vécu à Marseille, Cannes… « À chaque fois, je revenais à Tarbes », nous a-t-il raconté. Pour quelles raisons ? « Pour le snowboard ! Dès que j’ai essayé, c’était fini : j’étais piqué ». Michell pratique l’athlétisme (spécialité 400 m haies). Il est compétiteur de haut niveau, a été notamment 2 fois champion de France, et il revient aujourd’hui, à 51 ans, des championnats d’Europe avec la 4e place (catégorie vétéran). Il court pour la France, mais aussi pour la Guinée lors des compétitions internationales. Il a trois nationalités : française, guinéenne et sénégalaise. « Mes jambes me servent à voyager », nous explique-t-il en souriant.
Comment est venue cette passion pour la couture ? « Il y a des années de ça, je me préparais à sortir dans une grosse soirée hip-hop à Pau. Niveau fringues, il me fallait du lourd, de l’authentique, et j’ai décidé de me faire un pantalon. À l’époque, il y avait une machine à coudre là où je travaillais, mais je ne savais pas m’en servir. J’avais une chemise Ralph Lauren, un jean Levi’s, et je les ai découpés pour me faire un baggy (pantalon large, NDLR) ! Quand j’ai découpé la chemise, les gens m’ont dit “Mais qu’est-ce que tu fais ?”. J’ai répondu “T’inquiète ! Je sais ce que je veux : quand les gens vont voir mon baggy, il faut qu’ils soient véner’ !” (rires) J’ai demandé de l’aide pour passer les fils aux bons endroits dans la machine, et j’ai fait tout le reste ». Et ce pantalon, alors ? « Il était incroyable : il a tué tout le monde ! » (rires)
À partir de ce fameux pantalon, Michell ne s’est plus arrêté. « Je travaille comme un sculpteur : pour moi, le vêtement est comme une sculpture à réaliser, et j’utilise la machine comme un ciseau à bois ». Il a appris seul, sur le tas, et s’est créé petit à petit un style bien à lui. Puis l’ère du Web est arrivée : « Internet m’a permis de faire un apprentissage en accéléré. Sur YouTube, il y a absolument tout ce dont on a besoin : tu peux apprendre la méthode italienne, la méthode anglaise, allemande, sénégalaise, française… Tu acquiers de nouveaux savoirs très rapidement, comme si tu téléchargeais des techniques en un temps record ».
Michell produit exclusivement des pièces uniques. Il ne fait que du sur-mesure : « Chacun d’entre nous a une morphologie qui lui est propre, et bouge d’une façon unique. Il faut prendre en compte tous ces paramètres, sinon tu peux créer un beau vêtement, mais dès que la personne va se mettre à bouger, c’est mort ». Avec la pratique, il a appris à affûter son œil : en observant les gestes et la démarche de ses clients, il visualise à l’avance la coupe de vêtement et le type de tissu dont ils ont besoin. Notre manière de bouger en dit beaucoup sur nous ; après avoir passé des années à observer ces petits signes, Michell a appris à en décoder le langage.
« Je fais aussi du coaching, de la réparation de corps ». Ah ? Comment ça marche ? « Les gens viennent me voir pour aller mieux, et je passe par le corps ». Même si toutes ces activités (création de vêtements, coaching, sport de haut niveau) sont différentes, elles sont liées et complémentaires : « Tout est sur un même fil. Certains parlent de l’esprit comme si le corps n’existait pas, mais c’est pourtant dans le corps que l’esprit navigue. Lorsqu’on achète un beau vêtement, qui nous va parfaitement, on est content de le porter, le moral est cool, donc tout va bien. C’est pareil avec la réparation des corps : le but est de trouver les nœuds, puis les défaire afin de se sentir mieux ».
C’est quoi, une « bonne fringue » ? « C’est une fringue dans laquelle tu es à l’aise. Il faut que la coupe et les couleurs te plaisent. Il faut être authentique : un vêtement peut te plaire parce que tu l’as vu sur quelqu’un d’autre, mais il n’est peut-être pas fait pour toi. Il faut qu’il te corresponde vraiment ». La façon dont on s’habille est la première présentation que l’on fait de soi : « Quand tu veux passer inaperçu, tu mets quelque chose de passe-partout, pas trop voyant. Et quand tu te sens bien, que t’es dispo à communiquer, à aller vers les gens, tu mets un truc qui va te faire sentir à l’aise. Les gens le ressentent ». Tout dépend des situations : « Parfois, des gens viennent me voir et me disent : “J’ai une soirée, et je veux être la star”. “Ah ouais ? OK : assieds-toi là, et ne t’inquiète de rien !” (rires) ». Pour finir, nous avons parlé de facteurs limitants : « Je n’aime pas naviguer avec des limites. Tout ce qui te traverse l’esprit, tu peux le faire. Si tu n’y arrives pas, cela ne veut pas dire que tu ne peux pas le faire : il y a une voie, il faut la trouver. Mon job est de trouver cette voie par le biais du corps ». Tout est lié : que ce soit grâce à la couture ou au coaching, le travail de cet artiste atypique est de nous aider à nous sentir bien dans notre corps, en accord avec nous-mêmes, et donc avec les autres. Merci, Michell !
michell.go