Bon, nous notre créneau au Mag, vous l’aurez compris, c’est généralement plutôt le local. Mais si l’on tentait, pour une fois, une petite sortie loin de nos montagnes ? Allez, les élections américaines sont là, destination : USA !
La Californie, ça ne vous semble pas un bel endroit pour oublier un peu le pays ? Que vous croyez (!) : d’autres Béarnais ont déjà eu l’idée d’aller y faire un tour, et il est possible que du côté de San Francisco vous trouviez quelques compatriotes…
Car oh, surprise ! Le Béarn, en Californie, est solidement implanté, et cela depuis le XIXe siècle. La raison en est historique : à partir des années 1850, de très nombreux Français décident de quitter leur terre natale pour partir faire fortune dans ce pays où l’on dit que l’or affleure de la terre au moindre coup de pioche. Et dans ces Français aventureux, on trouve très majoritairement des Basques, des Bigourdans et des Béarnais… Or que fait-on lorsqu’on se retrouve dans un pays lointain, alors même qu’on ne parle pas la langue et qu’on n’a aucune connaissance sur place ? L’on se sert les coudes, pardi ! Ainsi naît, en 1895 à San Francisco, la Ligue Henri IV, initialement association d’entraide et de solidarité, dans laquelle n’est pas exclue, naturellement, la question de la sociabilité.
Entraide et solidarité, pourquoi dit-on cela ? Lors d’un appel Zoom que nous avons eu avec le président actuel de l’association, Jean-Pierre Cabalette, ainsi qu’avec plusieurs membres du Conseil d’administration, cette explication : «Au XIXe siècle, en Californie, il n’existe aucun système d’assurance maladie. La Ligue Henri IV est d’abord créée pour que les Béarnais puissent cotiser dans un pot commun, et que soit organisé un soutien financier pour ceux qui tomberaient malade ou rencontreraient des difficultés financières…» Et les Béarnais, de ce point de vue, ne sont pas une exception ! Des associations de ce genre éclosent un peu partout, réunissant presque toujours des immigrés originaires d’une même région : les Basques ont la leur, les Aveyronnais ont la leur, etc, etc. La Ligue Henri IV, grâce à l’afflux important en provenance de ce que l’on appelle alors les «Basses-Pyrénées», se développe rapidement.
Aujourd’hui, le rôle de secours mutuel de la Ligue est passé au second plan derrière celui de «Club de sociabilité», et, surtout, de lieu où l’on peut faire revivre les traditions de la terre de ses ancêtres ! «A la Ligue Henri IV, nous sommes plus de 960 membres, mais on est tous très proches ! Quand on se retrouve à l’autre bout du monde, très loin de notre pays d’origine, les liens deviennent très forts…» nous précise Nick Lacampagne, lui-même né en Californie, mais descendant de Français nés en France. Et ces liens, la Ligue prend soin de les entretenir, en organisant plusieurs grands événements par an, autour desquels tout le monde ou presque se retrouve ! Le banquet annuel, qui fait la part belle aux recettes traditionnelles basco-béarnaises, attire près de 1000 personnes… Pique-niques, tournois de belote, tournois de golf : les occasions de se rassembler sont nombreuses, et appréciées !
Pierre Massé, futur Président de la Ligue, précise : «En un siècle, la Ligue Henri IV a beaucoup changé… Elle est un des seuls clubs français à avoir subsisté depuis le XIXe siècle, et elle a commencé à accueillir beaucoup de membres qui ne sont pas d’origine béarnaise, et notamment des Basques, mais pas que. Moi-même, je suis né à Pau, notre président actuel est basque, ce qui est en accord avec nos statuts actuels, puisque celui qui préside le Conseil d’Administration doit avoir un lien avec les Pyrénées-Atlantiques. Mais nous sommes ouverts à tous les Français et descendants de Français1!»
Naturellement, les primo-arrivants, au sein de la Ligue Henri IV, sont de moins en moins nombreux ; aujourd’hui, les descendants de Béarnais et de Français sont les plus nombreux à fréquenter le club. Et il est beau de constater que, même parmi ceux-là, parmi ces Américains natifs des USA dont le lien avec la France est sans doute moins étroit que celui de leurs ancêtres, la culture du Sud-Ouest reste bien vivante. Lors des banquets et des pique-niques résonnent Montagnes Pyrénées d’Alfred Roland, au côté d’un chant encore plus favorable à exalter la nostalgie de l’ensemble des Français expatriés : La Marseillaise ! Le rêve américain, d’accord, mais pas sans la douce rêverie d’avoir connu, de soi-même ou par ses aïeux, la douce patrie perdue, le pays aux 500 fromages et dans le coin duquel demeure la belle terre de Béarn. God bless the USA, God bless les Américains. Vive la Ligue, vive le Béarn, et vive la France !