Jean-Marc Luce : Esprit, es-tu là ?

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On ne peut pas dire que ce soit le hasard qui nous ait conduit à réclamer, auprès de Jean-Marc Luce, qu’il nous accorde la faveur d’un « tirage de portrait ». L’endroit, sien, où s’échangent livres, idées et bons mots, on le fréquente assidûment, et pas uniquement parce qu’il s’y trouve,
à prix souvent modiques, des textes roboratifs pour l’esprit…

Car si l’on aime la littérature, l’histoire, la musique, l’art, la montagne, la poésie… le lieu est certes une « caverne d’Ali Baba » ; mais si l’on apprécie par ailleurs la conversation, alors la bouquinerie de Jean-Marc Luce se change en une sorte d’Agora, dans laquelle le « patron » n’est probablement pas le dernier, bien qu’il s’en défende, à organiser la libération des paroles et des points de vue.

Les Mots et les choses

Mais laissons ça là, voulez-vous, et intéressons-nous d’abord à l’essence de l’activité de Jean-Marc Luce. Bouquiniste, mais pas que, il est de ceux qui concourent à la possibilité que ce qui fut se transmette. Et l’on parle ici aussi bien de « contenu » que de « contenant ». De sa carrière de restaurateur de peintures anciennes, Jean-Marc Luce a manifestement conservé l’amour de l’objet. Et l’on sent bien qu’entrent en concurrence, dans son analyse de ce qu’un livre, un vinyle ou un DVD peuvent recéler comme intérêt et comme attrait, l’attention portée à l’ivresse et l’attention portée au flacon.

A Rebours

L’analyse plus haut mentionnée, par ailleurs, tapant quasiment toujours juste : être un bon bouquiniste, c’est savoir faire son choix, et Jean-Marc Luce a l’œil sûr. « Dans le cas précis du type de livres que je vends ici, je suis plutôt dans ce que l’on pourrait appeler le patrimoine littéraire, mais dans un patrimoine qui ne concernerait pas que les grands auteurs et pas que les grands classiques… Bien sûr, il m’arrive d’en avoir, mais mon idée c’est plutôt de dénicher des petites choses presque disparues du paysage littéraire, documentaire ou artistique actuel. Il y a des réhabilitations nécessaires ! ». Sauveur d’auteurs, sauveur de livres, Jean-Marc Luce découvre généralement ses futurs protégés directement chez l’habitant. « Hier, j’ai trié une maison à Pau. Il y avait à peu près 5000 livres, j’en ai ramené 300. » Nous partîmes 5000 mais par un prompt triage, nous nous vîmes 300 en atteignant Bagnères : les bibliothèques iraient donc à rebours des armées, en se renforçant par la perte de certains de leurs membres ?

De l’autre côté du miroir

Ce qui ne manque pas de piquant, dans cette histoire, c’est qu’il est toujours question de « forcer » la porte d’une maison : soit qu’on y prend des livres, soit qu’on en « impose » à force de conseils et de suggestions. On soumet la réflexion à Jean-Marc Luce, ça le fait marrer. « Introduire un peu de mauvais genre chez des gens parfois un peu serrés du c**, ça me plait assez. Chacun son sacerdoce, celui-là me plait davantage que d’autres ! ». On lui rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, il s’est commis en politique, se retrouvant tête de liste EELV pour les législatives de 2012. Toujours mauvais genre ? « Quand j’ai commencé à m’engager pour l’écologie, en 1968- 70, ça l’était assez, oui. »

Orgueil et préjugés

Il y a les livres, il y a les gens. Et Jean-Marc Luce, cela se sent, n’a pas « l’autre » en indifférence. C’est d’ailleurs parfaitement réciproque : parlez du bonhomme à Bagnères, on vous répondra soit qu’on l’a en adoration, soit qu’on l’a en aversion. Vous devinerez dans quel camp on est. On lui reconnaît en revanche, chez ses amis comme chez ses adversaires, une certaine érudition sur un certain nombre de sujets. La faute à une vie bien remplie : né à Luz, mais longtemps ailleurs, on lui connaît des activités dans des domaines aussi variés que l’organisation d’un festival de jazz, l’alpinisme, le commissariat d’art, l’agriculture (avec sa femme Patricia), le commerce d’antiquité, l’art (et pas mal de ses œuvres sont d’ailleurs exposées dans son antre), la politique (donc). On en oublie sans doute. Ne le branchez sur l’une ou l’autre de ces thématiques que si vous n’avez pas de rendez-vous prévu ensuite.

Les Confessions

On en reste là ? On n’évoque pas les anecdotes faisant état tantôt d’une existence bien remplie, tantôt d’une personnalité fantasque ? En discutant avec Jean-Marc Luce, il peut éventuellement vous arriver de l’entendre dire : « Je n’ai joué qu’une seule fois de ma vie au tennis : c’était avec Serge Gainsbourg. » ; ou : « J’ai longtemps vouvoyé mon chien, mais j’avais une bonne raison de le faire : je l’avais anobli. » ; ou encore : « Le Chevalier de la Barre doit avoir une impasse à son nom à Paris, mais ça reste à vérifier. ». Qu’est-ce que vous voulez qu’on vous dise de plus ? Vous cherchez un livre, un disque, un film ? Passez chez Jean-Marc Luce, et faites-vous votre avis sur le personnage. En une double-page, nous, on ne peut en brosser que la surface, que la jaquette. Or, il est une chose que les bouquinistes savent bien, et font généralement savoir : c’est qu’on ne juge jamais, au grand jamais, un livre à sa couverture…

Hétérodoxe
(Bouquinerie & Galerie inclassable)
Accessoirement repère de Jean-Marc Luce
Rue du 19 mars 1962 à Bagnères-de-Bigorre