Les grands médias nationaux,
tous les jours, tirent la sonnette d’alarme. La crise économique qui suivrait celle, sanitaire, du coronavirus, pourrait bien finir par avoir des implications encore plus graves que celle de 2008 ; cela nous a donné envie, au Mag, d’en savoir un peu plus quant à la situation particulière de notre territoire…
Et quel meilleur interlocuteur pour connaître ce que vivent les entreprises du Béarn que l’organisme qui tisse avec elle un dialogue quotidien ? Didier Laporte, président de la CCI Pau Béarn depuis 2016, a accepté de nous recevoir pour un échange pour le moins passionnant, dont nous ne retranscrivons ici (malheureusement) que la portion congrue.
L’économie française, comme il fallait s’y attendre, a souffert de la crise du coronavirus et du confinement… Qu’en est-il de l’économie béarnaise ? Celle-ci a-t-elle été davantage résiliente que celle d’autres régions françaises ?
Je ne sais pas si elle a été plus résiliente, mais laissez-moi vous donner, tout d’abord, un ressenti que nous sommes quelques-uns à partager : sincèrement, on a le sentiment que la crise du coronavirus a marqué un coup de frein dans de nombreux secteurs d’activité, mais que, et alors même qu’on nous annonçait une catastrophe économique à la rentrée, la rentrée est là, la catastrophe économique n’est pas encore là. Ça ne veut pas dire qu’elle n’aura pas lieu. Les entreprises en Béarn ont eu l’intelligence d’utiliser tous les outils à leur disposition, d’abord leurs propres réserves, et ensuite tous les dispositifs gouvernementaux, qu’il s’agisse de prêts garantis par l’État, de reports d’échéances fiscales, sociales et bancaires, ou de l’activité partielle. Si on devait avoir un premier signe de résilience, ça serait ça : la force de caractère des entrepreneurs à tout mettre en œuvre pour sauver ce qui est sauvable. Alors certes, le secteur de l’aéronautique souffre. Le tourisme, en revanche, a fait une bonne saison. L’économie béarnaise a-t-elle été plus résiliente que l’économie nationale ? A en croire les chiffres du tourisme on serait tenté de dire oui, la forte empreinte de l’industrie aéronautique dans notre territoire tempère ce constat.
On craint un peu partout la menace de la numérisation toujours plus grande du commerce. Celle-ci plane sur le Béarn comme ailleurs : y a t-il lieu de s’en inquiéter sérieusement ?
Non. Le commerce traditionnel a souvent eu peur de la numérisation et du e-commerce, craignant que les géants du secteur ne viennent les concurrencer directement dans leur centre-ville. De récentes études font la démonstration qu’un tiers du commerce en ligne, ce sont des commerces de centre-ville qui le réalisent. Et quand on sait que les chiffres de progression de la vente en ligne sont plutôt à deux chiffres, la marge de progression pour le commerce traditionnel et le commerce de centre-ville est énorme. A la CCI, nous sommes en train de procéder à des recrutements pour renforcer le pôle de la transformation digitale : nous avons pleinement conscience qu’il faut accompagner les PME et les TPE dans cette voie. La numérisation, une menace ? Churchill disait : «un optimiste voit une opportunité dans chaque difficulté, un pessimiste voit une difficulté dans chaque opportunité». A la CCI, sur ce point précis, nous nous rangeons du côté des optimistes.
Le rôle d’une Chambre du Commerce et de l’Industrie, c’est d’accompagner le développement des entreprises sur le territoire où elles sont implantées. Dans la situation qui est la nôtre, de quelle manière la CCI Pau Béarn entend-elle remplir cette mission ?
Sans aucun doute en coordonnant ses actions au plan de relance annoncé par le gouvernement : il y a des aides d’État et une volonté claire et affichée de travailler sur tel ou tel axe, en tant qu’établissement public, nous ferons en sorte qu’elle soit déclinée le plus efficacement possible à l’échelle de notre territoire. Cela vaut pour le digital, pour la transformation écologique, etc. Les CCI ont sans doute également un rôle à jouer sur le plan de la recapitalisation des entreprises, mais leur capacité d’intervention dans ce domaine sont encore limitées, du point de vue des moyens et de la loi. L’idée est à creuser, nous nous y employons.
CCI France a récemment signalé son approbation du plan France Relance. Philippe Escande, éditorialiste au Monde, déclare de son côté : «c’est un plan de modernisation, pas un plan de relance», et dénonce un retour en force du colbertisme économique français. Que pensez-vous de sa prise de position ?
Plan de relance, plan de modernisation… Et si c’était les deux ? Philippe Escande vise peut-être des mesures trop protectionnistes visant à relocaliser la production. Si on se réfère à la pensée colbertiste, ça voudrait dire à mon sens mettre à mal les politiques de libre échange au profit d’une intervention de l’État. C’est un vieux débat, mais je ne vois plus aujourd’hui d’absolue séparation entre la question de la relance et celle de la modernisation. L’économie change tous les jours, à grande vitesse, les modes de consommation changent tous les jours, il faut constamment s’adapter. Les citoyens attendent des transformations fortes sur le plan de l’écologie, comme nous avons pu le voir aux dernières municipales, des transformations sur le plan social, et j’ai le sentiment finalement qu’aujourd’hui, dans le plan de relance présenté par le gouvernement, il y a une volonté d’aller vers plus de transition numérique, plus de transition écologique. Ne serait-ce pas une tentative de remettre un peu l’humain au centre des préoccupations ? Si la relance, appuyée par la modernisation, suit cette direction-là, je ne vois pas de raison de ne pas y souscrire.
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