Sortie du tumulte tarbais, la rédac arrive dans le petit village d’Agos et se gare devant l’antre de l’artiste. Immédiatement, on se retrouve face à un formidable bric-à-brac de sculptures en ferraille : des créatures improbables sont là, terrées parmi les herbes et posées un peu partout. Des monstres, des robots post-apocalyptiques, des animaux extraordinaires, un bateau volant… Ne nous gênons pas pour le dire : Pedro réalise des œuvres magnifiques, et nous étions aux anges d’avoir la chance de découvrir ses créations. Et l’on a bien sûr tenu à partager ces moments avec vous, lecteurs bien-aimés !
Pedro a grandi dans le Tarn. Après des études à Toulouse, il tombe sous le charme des Pyrénées et s’installe dans la vallée d’Argelès en 2001 : « J’étais venu faire un stage de parapente et je suis resté là sur un coup de tête », raconte-t-il. Depuis toujours, Pedro est passionné par le feu et les explosions : « Gamin, tout mon argent de poche passait dans les pétards. Plus tard, à Toulouse, j’ai commencé à faire quelques feux d’artifice, par passion ». Une fois installé en Bigorre, il est contacté par Philippe Berly, un percussionniste de la vallée : « Il savait que j’étais un peu dans la pyrotechnie, et comme il voulait du feu dans ses spectacles, il m’a proposé de monter un projet. C’est comme ça qu’est née la compagnie Akouma ».
En 2008, Akouma est programmée pour jouer lors de La Nuit des Soudeurs à Granville pour le spectacle du samedi soir. Ce festival regroupe une trentaine d’équipes de soudeurs pendant deux jours et une nuit au bord de l’océan, dans un port. Pour Pedro, c’est le coup de foudre : « J’ai vu ce qu’ils faisaient avec leurs postes à souder de la taille d’un sac à main et je me suis dit : c’est ça que je veux faire. En rentrant, je me suis acheté un petit poste à souder, et je m’y suis mis sans n’avoir jamais soudé de ma vie ». Pedro n’a aucune formation artistique. Il est de ces artistes qui n’ont besoin de rien d’autre que leurs mains, leur inspiration et leur détermination : « Il n’y avait personne pour me briefer, se souvient-il, j’avais trois bouts de ferraille et j’ai commencé comme ça, pour moi, pour le plaisir ». Rapidement, il reçoit les encouragements de ses proches : « Je n’avais jamais eu l’idée de faire des expos, et encore moins de vendre mes sculptures. C’est mon entourage qui m’a poussé ». La première expo eut lieu en 2010, à Bagnères : « Ça avait super bien marché, se rappelle-t-il, j’avais pratiquement tout vendu, c’était prometteur. Et après ça, c’était parti ».
À cette époque, Pedro est intermittent du spectacle et travaille beaucoup avec Akouma. La sculpture n’est pas son gagne-pain, et cela lui permet d’explorer ses inspirations à sa guise : « Quand tu dois vivre de ton art, tu n’as pas d’autre choix que de faire ce qui fonctionne. Par exemple, si tu sculptes des lampes et que tu vois que ça cartonne, et bien tu fais des lampes, car il faut bien vivre ». Pedro considère qu’il a une chance énorme de ne pas être obligé de vendre ses sculptures pour manger : « C’est un sacré luxe, ça m’a permis de faire des trucs complètement invendables. J’ai passé du temps à chercher, à me faire vraiment plaisir, sans contrainte de résultat ».
Depuis cinq ans, Pedro travaille pour Générik Vapeur, une compagnie historique des Arts de Rue basée à Marseille : « Ils avaient besoin d’un artificier et je suis entré dans la compagnie. Je ne pouvais pas rêver mieux : si on m’avait demandé où je voulais bosser, tous travaux confondus, j’aurais répondu à Générik Vapeur ». Parallèlement, il continue la sculpture et diversifie ses œuvres : il réalise à présent des manèges en ferraille, en collaboration avec Richard Rewers qui gère la partie mécanique : « Ce sont des petits manèges à pédales, des carrousels pour enfants : quelqu’un pédale et ça fait tourner l’ensemble. C’est en accès libre, comme un toboggan ». C’est un projet que l’artiste affectionne particulièrement : « La construction de manèges, c’est ce que je préfère : j’aime beaucoup ce côté interactif, le fait que les gens puissent toucher, grimper dessus. On en a fait un au Kairn, à Arras, et là on en prépare un autre pour Luz : ce sera un arbre de 6,50 mètres de hauteur, les enfants seront assis dans les serres des oiseaux perchés dans les branches, et quelqu’un pédalera au pied de l’arbre, sur un champignon, pour faire tourner le tout ». Du véritable art poétique, chers lecteurs !
Pedro a également réalisé, en duo avec l’artiste Alexandre Lamarque, la sculpture de 11 mètres de long sur 5 mètres de hauteur que l’on peut voir à Pierrefitte, sur le rond-point d’entrée de la ville. « J’ai récupéré 11 mètres de rails de chemin de fer, les véritables rails de l’ancienne ligne qui reliait Lourdes à Cauterets », raconte l’artiste. La sculpture représente un ouvrier qui va au travail à vélo, avec, sur un side-car, un mineur qui part bosser à la mine. « J’ai souhaité évoquer le passé industriel de la ville », nous dit-il. Les personnages, à l’allure dégingandée et caricaturale, sont cartoonesques et drôles, à l’image des inspirations du sculpteur : « Je suis très BD, nous dit Pedro. Je suis un inconditionnel de Mœbius. Je me suis pas mal inspiré de SF, j’aime aussi les choses un peu absurdes, kafkaïennes : Pierre Dac, Francis Blanche, et aussi l’humour féroce de Reiser… Pour moi, une sculpture est réussie quand j’arrive à y mettre de l’humour et de la poésie… ou au moins l’un des deux ».
On serait bien resté des heures à regarder de près toutes les œuvres de Pedro. Nous vous recommandons, amis lecteurs, la succulente série des bilboquets de célébrités (dont celui de Dominique Strauss-Kahn, de Kenny McCormick, du cousin Frédo-la-Carlo, de Vladimir le Turbulent, de Donald Trump…), mais aussi la magnifique raie manta, les saynètes poétiques, la série des cartables, ou encore les nombreux monstres et animaux fantastiques. Quant à la lampe-méduse de l’espace intergalactique avec ses dreadlocks en diamant, oubliez-la, lecteurs retardataires : la rédaction a déjà posé une option dessus !
Cet été, retrouvez les œuvres de Pedro Fremy du 18 juin au 2 juillet à la Maison Carrée de Nay avec le peintre Patrick Pierart, et à partir du 4 juillet aux Thermes de Luz-Saint-Sauveur. Sans oublier l’exposition permanente à l’Abbadiale à Arras-en-Lavedan.
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