Et l’on se permet, dès l’introduction, de faire un petit précis lexical à l’usage des non-initiés. Qu’est-ce qu’un « mangaka » ? C’est un auteur et/ou dessinateur de manga. Et, au cas improbable où le terme puisse être encore inconnu de certains, qu’est-ce qu’un manga ? C’est une bande-dessinée japonaise, ou du moins, une bande-dessinée s’inscrivant dans un contexte culturel et esthétique qui est celui de la bande-dessinée japonaise…
Des mangakas, contrairement à ce que pourrait penser celui qui se tient loin de ce monde, il ne s’en trouve pas qu’au Japon. Depuis les années 1980, en France, un certain nombre de générations se sont initiées à la pop-culture japonaise, soit en regardant, sur TF1, le mythique « Club Dorothée », soit en commençant à feuilleter des mangas papiers, de plus en plus répandus à la fin des années 1990. Il n’est pas étonnant, qu’après avoir été consommateur d’une certaine culture japonaise et/ou japonisante, d’aucuns aient pu en devenir, par la suite, producteurs…
C’est le cas de Michaël Almodovar, dessinateur et auteur, à Tarbes, des Torches d’Arkylon, un manga en 4 volumes (pour le moment) qui, depuis sa première publication en 2016, s’est attaché une solide communauté de lecteurs sur le territoire national. On y suit les aventures de – entre autres personnages – Arkaïs et Sombrelune, l’un étant chevalier-dragon de profession (si l’on peut dire !), l’autre étant un elfe noir versé dans les arts de la magie. Oui, parce que l’histoire que racontent Les Torches, pour le dire vite, appartient au domaine de l’heroic fantasy. On y évolue donc dans un monde « pseudo-médiéval », où se côtoient chevaliers, mages, animaux fantastiques et créatures magiques. Vous voyez Tolkien, le Seigneur des Anneaux, tout ça tout ça ? Bon, grosso modo, niveau environnement, c’est dans cette lignée-là.
Son goût pour l’heroic fantasy, Michaël Almodovar ne l’a pourtant pas cultivé avec Tolkien. « Chez moi, c’est plutôt le côté jeu de rôles qui s’est exprimé. Pendant un bon moment de mon adolescence, j’ai été maître de jeu : on jouait avec des amis, et on avait tous un peu l’habitude de plier les règles pour que l’histoire puisse avancer. Parce que c’était ça le plus important. Jeter les dés, faire monter son personnage en « level », ce n’est pas vraiment cela qui nous intéressait : nous, ce qu’on voulait, c’était aller au bout de l’histoire pour en comprendre les tenants et les aboutissants. Et je crois que j’ai gardé ça dans mes mangas.»
Il ne faudrait pas croire pour autant que, parce qu’une certaine ambiance « jeu de rôle » infuse effectivement dans les Torches, il s’agirait d’une œuvre « par un geek » et « pour des geeks ». Déjà parce que ça ne correspondrait pas à la personnalité de son auteur, qui a mené, entre autres exemples faisant disruption dans les préjugés habituels que l’on nourrit quant au portrait archétypique du « geek », une carrière de sportif de haut-niveau avant de travailler à son manga. Ensuite parce que ça ne correspondrait PAS DU TOUT au contenu des 4 volumes aujourd’hui parus. Il s’y trouve un syncrétisme s’abreuvant à de multiples sources culturelles, dont l’auteur s’amuse autant qu’on s’en amuse. Ainsi le personnage d’Arkaïs est un « mélange entre Obélix et Belmondo » parfaitement synthétisé, on trouve, au gré des pages, aussi bien des références à Dragon Ball que des citations de Brassens, on découvre, dans le Tome 2 des Torches, un mage à la curieuse passion pour la diététique, rappelant un YouTubeur aujourd’hui connu pour se trouver être dans le viseur de la Miviludes… Sans compter les appels du pied, assez drôlatiques, à une certaine chanson française : on citera, uniquement pour mémoire, Le Petit bonhomme en mousse, Nuit de folie et Desireless.
Il flotte, dans les histoires de Michaël Almodovar, comme un sympathique parfum d’irrévérence à l’endroit d’un style, l’heroic fantasy, souvent engoncé dans une codification dont on ne s’extirpe pas sans peine. Ainsi, l’on découvre, après quelques pages feuilletées du Tome 1, que les aventures d’Arkaïs et Sombrelune se tissent en parallèle d’une autre narration, intervenant, elle, dans le monde réel, ou du moins dans un monde dont on a la première impression qu’il est le nôtre. Par une jolie mise en abîme, Les Torches d’Arkylon sont elles-même citées dans les Torches d’Arkylon, un peu à la manière de ce qui nous avait étonné, dans notre jeunesse, dans l’incontournable Histoire Sans Fin. Surprise quand on en parle à Michaël Almodovar : cela va en fait bien plus loin qu’on aurait pu l’imaginer. « Cette seconde histoire que l’on voit apparaître à intervalles réguliers dans les Torches d’Arkylon, c’est une histoire que j’ai imaginée en même temps que celle d’Arkaïs et Sombrelune, et qui sera l’objet principal du prochain cycle de mangas que je créerai. En réalité, on peut même dire que Les Torches d’Arkylon sont le spin-off de ce manga encore à venir…»
En attendant que ce nouveau cycle ne commence, il faut déjà boucler le premier : le Tome 5 des Torches d’Arkylon est actuellement en finalisation, et devrait sortir début 2022 (suivez l’actualité de cette parution sur la page facebook d’Ark-Éditions !). Nouveau best-seller à venir, donc, pour Ark-Éditions, maison d’édition locale fondée par la compagne de Michaël Almodovar, et dont les Torches sont à l’heure d’aujourd’hui l’unique œuvre publiée (mais cela ne devrait pas trop durer !)… Passé ce prochain cap, Michaël Almodovar pourra se remettre au travail pour produire l’ultime tome prévu de sa saga : il devra, pour cela, concilier sa mission d’auteur avec celle, conséquente, de professeur de narration graphique à l’école Anaten, institut de formation, à Tarbes, en art narratif & transmédia (et l’on cite seulement en passant ses autres activités liées à l’événementiel, au sein de l’association Pyrénées Manga dont il assume la présidence !). Une belle consécration pour un mangaka qui s’est « fait tout seul », en autodidacte, cherchant dans les bandes-dessinées produites par ses aînés les « trucs » qui lui permettraient de créer la sienne. «Si j’avais pu, il y a quelques années, profiter des cours que je donne actuellement à mes étudiants, ça aurait été extraordinaire ! Avec certains raccourcis, dans ce monde-là, tu gagnes jusqu’à cinq ans de travail. Chaque cours que je donne est aussi passionnant que frustrant…» sourit Michaël Almodovar.
Les Torches d’Arkylon, davantage qu’être la seule expression de leur auteur, c’est probablement l’expression d’une génération, celle-ci biberonnée aux mangas qui passaient à la télévision, mais nourrie, par ailleurs, d’influences culturelles beaucoup plus variées. Ainsi, lors de notre conversation avec Michaël Almodovar, a-t-on parlé de Bebel, d’Alain Delon, de Thorgal, des aventures d’Astérix, du monde tel qu’il est et tel qu’il va, et plus généralement d’un ensemble de références communes qui forme le substrat de ce que l’on pourrait nommer, pour le dire rapidement, la culture populaire franco-occidentale. « Je crois faire partie d’une espèce en voie de disparition » nous glissera Michaël Almodovar. Et vous voulez qu’on vous dise ? On trouve que cela est bien dommage. Parce que de cette espèce en voie de disparition procèdent des œuvres où l’on retrouve, que l’on soit fans de manga ou qu’on ne le soit pas, des « choses » qui « parlent à tout le monde ». C’est probablement d’ailleurs la grande force des Torches, en plus de leur narration et de leur esthétique soignées. Et c’est probablement ce qui en assure le succès actuel et à venir, dont on souhaite à son auteur qu’il n’aille que grandissant. Ce ne serait que justice, assurément, que l’on dise des œuvres à venir et de leur sortie que, décidément, ça ne puisse que «camphrer» !
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Anaten
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