Un entretien avec David Fray ? On en rêvait. Des années qu’on suivait ce désormais renommé pianiste originaire de Tarbes, des années qu’on s’exaltait à propos de sa musique, de ses interprétations, de ses albums successifs… Et puis, voici que vient, sous sa houlette, un incroyable festival – l’Offrande Musicale – dont la double-ambition – faire profiter le département de la musique classique à son meilleur, et, surtout, travailler à la rendre accessible, en live, aux personnes en situation de handicap – vient bousculer le jeu culturel haut-pyrénéen. Alors, quel mode, ce festival ? Majeur. Bien entendu.
On ne reviendra pas en long en large et en travers sur la carrière de David Fray. Sa vibrante énergie, et l’enthousiasme simple qu’il manifeste lorsqu’il joue parlent mieux de lui que les grandes salles de concert qui l’accueillent, que les lauriers que lui tresse la presse spécialisée, que les tournées mondiales qui sont les siennes… S’il y avait toutefois une chose à en retenir, c’est ce qui se trame ici et maintenant, en Bigorre : David Fray est attaché à son pays, à la ville de Tarbes qui l’a vu grandir, et il est de ces artistes qui ont « le succès utile ». « Je me dis de plus en plus qu’un musicien, vu le monde dans lequel il vit, doit s’impliquer dans la société de manière plus affirmée » nous précise-t-il. Pour des raisons qui le concernent, son implication, elle se jouera en Bigorre du côté de l’accès des personnes en situation de handicap aux concerts, et à la musique classique de manière plus générale…
Et cela est, indubitablement, nouveau. « En imaginant l’Offrande Musical, j’ai été surpris de constater qu’il n’y ait apparemment pas un seul festival de cette ambition s’étant emparé de cette question » explique David Fray. Et force est de constater avec lui que si, en France, le thème de la démocratisation culturelle est central, il s’empare généralement de problématiques liées à des déterminismes sociaux et économiques. On nous rétorquera que toutes les salles assises ont obligation de disposer d’emplacements pour les « PMR », comprendre : les personnes à mobilité réduite. Se demande-t-on si ces personnes peuvent facilement organiser leur déplacement vers celles-ci ? Se demande-t-on si d’autres obstacles sont à lever qu’un couloir trop étroit, ou que l’impossibilité de faire circuler un fauteuil dans les allées d’un théâtre ? Non.
L’équipe de l’Offrande Musicale, ces questions, elle se les est posées. Le résultat de ses réflexions ? Rien que du concret : gratuité totale pour les personnes en situation de handicap, aucune limitation des emplacements PMR, discussions engagées avec des associations liées au handicap, captation de certains concerts et diffusions dans des institutions partenaires, réflexion sur l’accessibilité des sites, sur la logistique afférente… C’est fait, c’est bien fait, et ce sera encore mieux fait au fur et à mesure que les éditions de l’Offrande Musicale s’affineront. « Il y a toute cette partie du festival que les spectateurs ne verront pas : certains handicaps lourds, par exemple, rendent impossible la venue aux concerts. Nous accueillerons les personnes concernées par cet obstacle aux répétitions générales. » La volonté de David Fray est forte, l’ambition est nouvelle ; voici déjà de quoi satisfaire à ce à quoi L’Offrande Musicale aspire : devenir un festival hors-norme.
Parlons musique, maintenant, puisque c’est le sujet. Notre enthousiasme, au Mag, est à son maximum de savoir qu’au programme du festival paraissent les fameux concertos pour 2, 3 et 4 pianos de Bach ; les noms prestigieux de personnalités pleines de talent, ainsi du violoniste Renaud Capuçon, du violoncelliste Victor Julien-Laferrière, de la soprane Barbara Frittoli, de l’actrice Fanny Ardant, de la chanteuse Noa, de la journaliste Laurence Ferrari, ont de quoi finir de nous emballer. L’Orchestre National du Capitole de Toulouse, naturellement, viendra prêter main forte, à l’interprétation notamment du Carnaval de Saint-Saëns, événement qui réjouira ceux qui pratiquent le concert en famille. Ajoutez à cela des séances cinéma, des conférences, des cocktails, des repas gastronomiques, une master-class, et le tableau sera à peu près complet. Entre deux moments de grâce musicaux, ne manquez pas la projection du film d’Eglantine Emeyé, Mon fils, un si long combat, consacré à son enfant autiste. Si le monde de la culture, comme le monde en général, ne répond actuellement que très imparfaitement à ce que sont les difficultés d’une personne en situation de handicap, c’est d’abord par ignorance. Une des ambitions de L’Offrande Musicale, c’est aussi de remédier à cela.
On laissera à David Fray le soin de conclure : « Nous ne prétendons pas changer le monde en une seule édition. On veut simplement participer à cette réflexion, à cet effort. Que des grands noms se joignent à nous, on en est ravis, que cela contribue à faire savoir que les Hautes-Pyrénées sont un magnifique département, on en est ravis également. Mais l’on espère aussi, avec l’Offrande Musicale, davantage. On veut que les gens qui viennent se saisissent de la problématique de l’inclusion des personnes handicapées dans la société. On veut que soit compris que les personnes qui ont un handicap ne sont pas des personnes qui ont quelque chose en moins, mais qu’elles sont des personnes qui ont quelque chose de différent et quelque chose en plus. On veut que soit compris ce que me disait il y a peu de temps une psychanalyste, dont je reprends les mots : « les personnes en situation de handicap ne sont pas les diminués de nous-même « . Si, aux côtés de la musique, cette idée passe, on sera comblés. » On pourra compter en tout cas sur L’Offrande Musicale pour rendre possible l’idée, pour une fois, que notre joie, à tous et vraiment à tous, demeure.
Du 26 juin au 7 juillet en Bigorre
Tout le programme sur
www.loffrandemusicale.fr