Une école de production vient d’ouvrir ses portes à Lanne.
Sa particularité : former des jeunes en rupture avec le système scolaire traditionnel.
L’Académie Industrielle Ha-Py est l’une des 70 écoles de production en France. Le Mag a été reçu par Sébastien Jarnot, directeur de l’établissement ; autour d’un café, il nous a expliqué le fonctionnement de cette académie atypique. Rencontre.
« Tout part d’un double constat : défaut de main d’œuvre sur le territoire, et public déscolarisé et sans diplôme », explique Sébastien. Le but de ce projet, initié par l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), est de proposer des formations en corrélation avec les besoins du département. L’Académie Ha-Py est spécialisée en soudure et métallurgie ; d’ici trois ans, l’école accueillera entre 30 et 50 élèves : « Chaque année, la plupart d’entre eux sortiront avec une certification liée à un métier ». Les deux premières années, ils préparent un CAP, puis acquièrent d’autres compétences comme la peinture industrielle et le traitement thermique, très demandés dans le secteur. À l’issue de leur parcours à l’académie, les jeunes ont un métier adapté aux besoins des entreprises locales. « Tout cela a pu voir le jour grâce aux soutiens de l’État (France Relance), de la Région Occitanie et de la Fondation Total Energie. Des industriels locaux soutiennent également le projet à travers du mécénat ».
Les élèves ont entre 15 et 18 ans. Avant d’intégrer l’Académie, ils rencontraient des difficultés dans le système traditionnel, et étaient en position de décrochage scolaire. Pour beaucoup, ils ont été mal orientés en sortie de 3e, et basculés vers des sections qui ne leur correspondaient pas. Résultat : absentéisme, renfermement sur soi, parfois même délinquance… Certains d’entre eux peuvent présenter des troubles de type dyslexie, dysphasie ou dyspraxie, ou encore avoir subi des incidents de parcours, des situations familiales difficiles, etc. L’académie a les moyens pédagogiques de leur redonner confiance en eux : « Les pièces qu’ils fabriquent sont destinées à être vendues : c’est l’occasion pour eux de montrer à leurs futurs employeurs ce qu’ils sont capables de faire. On vise l’excellence, et les règles pour l’atteindre sont un peu différentes : on leur laisse le temps de s’adapter ». Par exemple, les temps de concentration sont de 45 minutes, et des temps de pause peuvent être pris régulièrement. Et pour le recrutement ? « On a beaucoup travaillé avec la Mission locale, Pôle emploi, Les Maisons Des Solidarités du département, ainsi qu’avec des associations locales comme Poing d’1 Pacte 65 ».
La pédagogie de l’académie est particulière : « Ici, ce n’est pas “j’apprends et je fais après”, c’est “je fais pour apprendre”. L’enseignement dispensé (français, maths, histoire-géo) est en adéquation avec les travaux des élèves : par exemple, on leur enseigne le théorème de Pythagore car cela a une utilité pour leur travail en atelier, puis ils appliquent ce qu’ils ont appris ». Cela permet de donner beaucoup de sens à leur apprentissage. Qu’apprennent-ils à faire, concrètement ? « Ils prennent une plaque en acier (en moyenne 2,5 m x 1,25 m x 6 mm), et ils la coupent, la plient, la cintrent, la soudent, la meulent… jusqu’à en faire un dé, par exemple ».
Sébastien Jarnot a pris la direction de l’Académie au début du projet, en septembre 2022. Aujourd’hui, onze industriels locaux font partie du conseil d’administration ; le but est de proposer des formations qui correspondent aux besoins des entreprises, afin que les jeunes puissent intégrer rapidement et durablement le marché du travail. « Les machines qui sont dans l’atelier ont été choisies parce qu’elles sont aussi présentes dans les ateliers des industriels du département. Les jeunes sont formés sur des machines qui correspondent à celles qu’ils rencontreront dans les entreprises, et ça, c’est la garantie d’une parfaite adaptation aux besoins locaux en main d’œuvre ». Tout le monde y gagne : les jeunes, les entreprises, et donc le territoire.
Sébastien a commencé sa carrière en tant qu’enseignant à l’université de Rennes : « Dans le cadre de mes recherches, j’ai rencontré quelqu’un qui habitait Trébons et qui m’a proposé de monter avec lui un centre de formation pour les travaux en hauteur. C’est à cette époque que je suis arrivé dans la région, il y a 22 ans ». Il a ensuite créé une entreprise de BTP, avant de gérer des gîtes sur Sainte-Marie-de-Campan. « Je me suis remis à la formation en devenant conseiller en formation continue pour les GRETA, puis j’ai été directeur du Campus des métiers de la qualification de la transition énergétique ». En 2022, Sébastien quitte le campus pour devenir directeur de l’Académie Industrielle : « Avec ce projet, j’ai compris que je pouvais accéder à un poste hyper intéressant. Quand les élèves arrivent le matin avec la banane jusqu’aux oreilles, alors qu’il y a quelques semaines encore ils ne faisaient rien, je vous assure que ça donne du sens ».
Depuis trop longtemps, la voie professionnelle est associée à une voie de garage, alors que c’est plutôt l’inverse : elle permet d’apprendre des métiers recherchés par les entreprises, et promet de bonnes conditions de travail. L’académie Ha-Py envisage, dans le futur, d’ouvrir d’autres sections de formation : « On ne vient pas concurrencer les établissements existants, précise Sébastien, on est une troisième voie : il y a l’enseignement initial, l’apprentissage, et il y a nous. Nous jouons un rôle complémentaire ».
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